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Mentir, c'est se mettre à l'écart de ce qu'on croit être une vérité, il n'y a pas de mensonge sans intention de mentir. Depuis qu'on est enfant, on nous enjoint de ne pas mentir, et la société réitère ce message car elle sanctionne parfois les mensonges par la prison, dans les cas de parjures ou de faux témoignages par exemple. De fait, une société où l'on part du principe que l'autre nous ment serait invivable, car le mensonge empêche l'accès à la vérité et entretient l'illusion. Mais dans l'histoire, certains mensonges, tels ceux qui ont permis de protéger les juifs d'une mort certaine en omettant de les dénoncer, semblent échapper à cette règle générale qui constitue un devoir, alors y a-t-il de bons mensonges ? Bon ne signifiant pas ici efficace, nous verrons dans un premier temps comment se justifie la radicalité du principe de véracité, puis quels sont les critères du bon mensonge, s'ils existent.

« Tu ne mentiras point », une règle universelle du devoir

On ment souvent par égoïsme, disent spontanément les élèves, il est vrai que ce qui motive le mensonge, c'est souvent le désir, du déni de vol de bonbons à l'adultère. Mentir apparaît alors comme une manipulation d'autrui puisqu'on veut l'amener à croire quelque chose qui sert notre intérêt, et on postule la confiance de l'autre. Le menteur s'exclut donc d'une règle à laquelle il veut soumettre autrui, il fait ce qu'il ne veut pas qu'on lui fasse.

C'est la raison pour laquelle selon Kant, philosophe allemand des Lumières, le menteur viole l'Impératif catégorique qui prescrit : « agis uniquement d'après la maxime qui fait que tu peux vouloir en même temps qu'elle devienne une loi universelle ». Le mensonge ne pouvant être généralisé, il n'existe pas de prétendu droit de mentir, même dans le cas du mensonge bien intentionné soutenu par le philosophe Benjamin Constant. Car si un mensonge sauve un homme, « il nuit à l'humanité », écrit Kant ; il ne peut donc faire loi. La véracité est « un ordre sacré de la Raison » (D'un prétendu droit de mentir). Faut-il donc dire la vérité à la police qui cherche notre ami caché chez nous ?

Le mensonge bien intentionné existe-il ?

« C'est l'intention qui compte », entend-on d’un intervenant ; ce qui rejoint la « bonne volonté » kantienne. Le mensonge bienveillant serait celui qui évite une nuisance à autrui, parce que la vérité est blessante, voire destructrice, par elle-même ou par ses conséquences. La peur de blesser l'autre peut néanmoins cacher chez le menteur un sentiment de supériorité plus ou moins conscient : on postule que l'autre ne supportera pas une vérité que nous nous approprions de fait. Néanmoins la rigueur kantienne trouve ici ses limites car dans certains contextes où la loi n'est pas légitime, la vérité qui dénonce peut tuer. Jankélévitch après Nietzsche a condamné cette rigueur (« l'impératif catégorique sent sa cruauté »). On est obligé de prendre en compte ce qu'autrui fera de cette vérité quand il est lui-même mal intentionné.

Le critère du bon mensonge, à manipuler avec précaution, serait celui qui éviterait de nuire à autrui et qui implique le moins de personne possible, ajoute une élève. Mais il faut prendre en compte que les conséquences du mensonge nous échappent souvent alors que nous en sommes responsables. Mais le bon mensonge est-il nécessairement altruiste ?

Le mensonge, un ultime refuge ?

Selon Nietzsche, l'homme est vérace parce que la société exige de nous la vérité par utilitarisme : être sincère est plus simple que d'emprunter les voies du mensonge qui requièrent imagination et audace. Le mensonge ne nous protège-t-il pas d'une vérité tyrannique ? Dans un Etat totalitaire par exemple, on exige la vérité du citoyen dans tous les domaines, il n'y a plus de « citadelle intérieure » où se replier. Sans aller vers de telles extrémités, le mensonge qui protège la vie privée ne serait-il pas un bon mensonge ? Il protège le « moi profond » dont parle Bergson qui s'oppose au « moi superficiel » que l'on se fabrique à cause des exigences sociales. Néanmoins cet argument risque de donner raison aux censeurs et d'entretenir une certaine hypocrisie de la société l’empêchant d'évoluer.

En définitive, le bon mensonge reste une exception qui renvoie chacun à sa conscience morale. Il relèverait donc de l’éthique qui repose totalement sur l’idée de l’autorégulation, de la délibération et de la décision. Car je suis seul à pouvoir dire si mon mensonge est bien intentionné, à condition que je ne me mente pas à moi-même, ce qui est inévitable d'après Freud,mais il est impératif que je sois sincère et de bonne foi. Cette duplicité est proprement humaine, elle met en jeu la conscience et le langage, nous rappelle à quel point le devoir, pourtant nécessaire, est difficile à respecter dans toute sa rigueur.


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Merci à tous les participants, et particulièrement à ceux qui depuis cinq ans ont permis à ce café philo d'exister, c'était une très belle expérience. Bonne route aux terminales, en espérant qu'elle soit jalonnée de réminiscences philosophiques.

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